samedi 5 novembre 2011

SAGMEISTER (Stefan), PROD'HOM (Chantal), WOODTLI (Martin), Another Book about Promotion and Sales Material, Lausanne, MUDAC, Paris, Pyramyd, 2011.

SAGMEISTER (Stefan), PROD'HOM (Chantal), WOODTLI (Martin), Another Book about Promotion and Sales Material, Lausanne, MUDAC, Paris, Pyramyd, 2011.

P.5
En Europe et particulièrement dans les pays francophones, il existe une très nette distinction entre le monde du graphisme dit "culturel" et celui du monde commercial. Les bons graphistes sont considérés comme tels lorsqu'ils travaillent pour des structures culturelles alors que les designers vivant de projets commerciaux ne sont pas particulièrement considérés. Notre studio s'intéresse et travaille dans les deux domaines car cette vision quelque peu manichéenne - La culture c'est bien , le commerce non - n'existe pas aux États-Unis. Il est par contre évident que les mandats commerciaux ont bien plus d'impact et touchent bien plus de gens que les travaux réalisés pour des clients évoluant dans le monde de la culture, ce qui est bien sûr important pour un studio comme le nôtre. Cette réflexions m'ont donc amené à me concentrer sur les travaux de commande autant culturels que commerciaux, …

P.6
Après 17 années passées à New-York, mon rapport à la vente a certainement changé. Dans tout ce que nous faisons, tant dans notre vie privée que professionnelle, la notion de représentation - dans le sens se mettre en avant, de se montrer sous ses meilleurs angles et donc de se "vendre" - est omniprésente. Les mécanismes mis en oeuvre sont devenus du coup les mêmes dans les 2 pans essentiels de nos vies. En même temps, tout ce que nous entreprenons dans le monde du design est étroitement lié à la communication, à la manière de se présenter, d'échanger, de se vendre. A partir de là, l'outil primordial doit être le bon sens et cela est très important car, de mon point de vue, il représente la base de toutes les stratégies et de tous les mécanismes de vente, tant commerciales que privées.

P.42
Identité visuelle de a Casa da Musica
La commande consistait à concevoir l'identité complète de la Casa da Musica, le centre de musique, réalisé par Rem Koolhaas dans la ville portuaire de Porto, au Portugal. L'envie première de créer une identité visuelle dont le bâtiment serait absent s'est révélée impossible parce que, après une étude approfondie, il est apparu que le bâtiment était lui-même un logo. Cependant l'agence a souhaité ne pas se limiter à une interprétation de plus d'un bâtiment. Elle a donc élaboré un système par lequel cette forme immédiatement reconnaissable, unique et moderne, se transforme d'application en application tel un caméléon, se métamorphose de média en média; le bâtiment réel étant l'ultime interprétation (en haute résolution) d'une longue série de logos. L'objectif était de privilégier la vaste palette de musiques qui sont jouées ici, le centre réagissant à la musique qui l'anime tel un dé que l'on jette, révélant autant de facettes que de musiques différentes. Un générateur de logos Casa da Musica fut développé - un logiciel conçu sur mesure connecté à un scanner qui transforme en une fraction de seconde n'importe quelle image en image animée et photo, pour en faire un logo Casa da Musica.


P.61
Une question de posture - Martin Heller
Une chose est certaine : la posture de Stefan Sagmeister est bonne. (Cette appréciation, comme tout ce qui suit, est une interprétation - nous ne nous sommes encore jamais entretenus sur ces questions. Peut-être va-t-il régulièrement chez le phytothérapeute ? Peut-être suit-il des cours de Pilates ?) Sagmeister se tient droit, malgré sa haute taille. Cela fait forte impression sur les photos de lui qui sont en circulation. Consultez, par exemple, les illustrations fournies par Google : du fait de sa posture, elles donnent de lui une image d'ouverture et de fraicheur, de charme juvénile, avec un regard assuré et le plaisir non dissimulé de se mettre en scène. 


P.62
Intégrer le jeu dans sa posture suppose une certaine mobilité. Être mobile et le rester, tel est l'impératif du postmodernisme.(…)
Celui qui bouge se met en relation - avec l'espace, avec des thèmes, avec son temps et avec l'histoire, avec la politique, avec les autres. (…)
Reste la curiosité. La posture n'est jamais statique; elle a besoin d'impulsion, Stefan est quelqu'un qui pose des question et qui insiste. Toujours. Il se demande pourquoi une chose est telle qu'elle est et non pas différente. Il possède la modestie insouciante du montagnard de Vorarlberg qui se ballade en ville, les yeux ouverts, le regard étonné ou parfois incrédule, et pose des questions tout en sachant très bien oú est sa maison.


P.101
L'Impact Design - joseph V. Tripodi
Winning by design
La société Coca Cola est la preuve vivante que le design a le pouvoir de combler le fossé entre le monde de l'art et du commerce et le transformer un produit de consommation en icône culturelle. Le design est profondément ancré dans l'ADN de notre société puisqu'il a fit son apparition en 1886 déjà, lorsque nous avons conçu la bouteille Coca Cola a contours et , avec elle, posé les fondements de ce qui deviendrait la marque la plus importante du monde. Créée pour répondre aux bessons des consommateurs, des clients, des usines d'embouteillage et des fournisseurs, elle représentait le top du top en termes de forme, de fonctionnalité. De par sa différence, on l'associait immédiatement à la marque. La bouteille à contours, avec son inscription en Spencerian Script et ses autres signes distinctifs de marque, est devenue célèbre et c'est aujourd'hui un classique du design aussi omniprésent que la marque qu'elle arbore fièrement.
Bien que notre entreprise et le monde que nous servons aient considérablement changé en 125 ans, nous continuons d'adhérer aux mêmes valeurs et principes dans notre design. Nous avalons recours au design pour susciter la passion et affirmer notre avantage concurrentiel à tous les niveaux de nos relations à la clientèle - du packaging et du merchandising sur le point de vente à la publicité extérieure et télévisée, jusqu'aux et aux camions de livraison. Cette manière de faire nous permet d'être gagnants au moment de la mise en vente et, par conséquent, de conserver notre capital-marque et notre cote d'amour auprès du consommateur.
Le design nous aide à évoluer pour répondre aux exigences croissantes imposées à notre entreprise tout en restant fidèles à notre marque. Notre approche globale se base sur la théorie systémique. Celle-ci considère le monde comme une série d'éléments étroitement liés qui, avec le temps, produisent  des schémas de comportements uniques. En agissant ainsi, nous favorisons la simplicité, la cohérence et la durabilité. Cela améliore également la façon dont le consommateur ressent nos marques et , en définitive, nous donne l'avantage sur la concurrence.
Nous ne considérons pas le design comme une mode, un vernis de décoration ou quelque chose qui serait réservé à une élite qui seule saurait l'apprécier ou qui 'pigerait'. Pour nous, le design est une science autant qu'un art; il représente notre façon de concevoir notre architecture d'entreprise sur le long terme pour garantir une valeur durable. Le design est incorporé dans tout ce que nous faisons au sein de la société Coca Cola, des business plans et des stratégies de communication jusqu'aux chaînes d'approvisionnement et aux processus de mise sur le marché. Chacun de nous est un designer…, pas seulement ceux qui portent un béret et ne s'habillent qu'en noir.
Nous dessinons littéralement notre propre avenir. Évoluant dans un paysage médiatique fracturé, au capital-temps allant en se raréfiant, notre culture de consommation nous met au défi de concevoir des systèmes flexibles et adaptables, résistant à l'épreuve du temps, et qui son applicables à toutes les régions et à tous les points de contact. C'est ce que nous appelons 'penser le design à partir de l'étalage', car il s'applique véritablement à tous les éléments qui constituent l'ensemble de notre appréhension d'une marque et qui transforment les clients en acheteurs. Pour nous, il s'agit de générer séduction, impulsion et impact. 
Il est évident que la séduction, l'impulsion et l'impact figurent aussi au coeur du travail de Stefan Sagmeister. Comme lui, nous tenons en haute estime un travail à la simplicité faussement trompeuse et un graphisme qui fit réfléchir et qui défie les normes de la pratique traditionnelle. Inclassable, le portfolio de Stefan oscille entre la solennité des images de marque des entreprises et la simplicité organique de ses dessins au crayon d'objets trouvés. Il juxtapose les matières, les images et les typographies dans le but de créer des oppositions saisissantes de principes, de langages visuels et de médias, qui sont à la fois intuitives et exemplaires.
Stefan n'a pas de principes sacro-saints; rares sont les règles qu'il ne se permettra pas de contourner ou d'enfreindre pour provoquer une réaction. Cet ouvrage donne un aperçu passionnant de son langage de communication visuelle, qui se caractérise par un processus de réflexion non linéaire et une approche réellement globale. Libre de toute notion de convention ou de culture, il puise son inspiration à travers le monde, avant de transformer ses impressions en ébauches de concepts - démontrant ainsi que de grandes idées peuvent surgir n'importe oú, n'importe quand…


P.135
Mon Ami - Marian Bantjes
Stefan Sagmeister est l'un des rares designers que je connaisse qui soit vraiment à la hauteur pour réaliser des commandes abouties, percutantes, séduisantes, qui tapent dans le mille à chaque fois et qui portent son empreinte personnelle. La plupart des jeunes designers rêveraient de se trouver dans sa situation sans réaliser combien il est difficile d'y parvenir.
J'ai connu une femme qui voulait être 'créative', ce qui signifiait qu'elle se voyait bien avoir des idées et se débrouiller pour les faire réaliser par d'autres. Je crois que nous nous sommes tous trouvés un jour ou l'autre à prendre un verre ou deux, ou plus, entre amis ou collègues, et à lancer des idées géniales, farfelues, qui, au bout du compte, se révèlent indéfendables à tête reposée. Je m'imagine très bien la scène ; 'Et si on prenait deux bus, qu'on les coupait en deux et qu'ensuite on les recollait l'un sur l'autre, comme ça on aurait deux bus fixés dos à dos qui rouleraient !' ou bien : 'Hé, et si on formait des mots à partir de tiges de bambou pour ensuite y mettre le feu et filmer le résultat ?' Ouais, super idée, mais comment ?
La différence entre Stefan et nous, c'est que non seulement il a ces idées formidables, mais qu'il semble ne jamais devoir 'se réveiller' pour finalement conclure : 'Ouais, bon, d'accord'. Il possède ce talent incroyable pour les choses qui se réalisent. En fait, je me demande s'il lui arrive même d'avoir des idées indéfendables. Il est bien trop intelligent, tenace et persuasif pour permettre au brio de son imagination de se laisser réprimer par quelque chose d'aussi prosaïque que la faisabilité. J'en ai même fait brièvement l'expérience moi-même quand, lors d'une conférence, nous avions improvisé une situation humoristique pour une des présentations de la journée. En l'espace de quelques minutes, il était parvenu à persuader trois participantes de se laisser photographier seins nus ainsi qu'un vénérable représentant de la scène du design (un allemand, en plus !) de poser assis sur les toilettes, le pantalon baissé. Moi, j'étais chargée de la troisième partie : obtenir d'Éric Spiekermann qu'il pose avec une inscription écrite au rouge à lèvres sur le torse et j'ai échoué dans cette simple tâche. Si j'étais employée dans l'agence de Stefan, je suis sûre qu'il m'aurait congédiée.
Non seulement Stefan sait trouver les personnes capables de l'assister, mais il est aussi le directeur artistique accompli au coeur de chaque projet, expérimentant et explorant sans cesse les options possibles qui garantiront un résultat parfait. Et naturellement, il se retrouve souvent en train de se débattre avec du scotch isolant argenté dans une piscine, de se balancer au bord d'une fenêtre et de grimper sur des toits avec des herbes et des feuillages. En définitive, dans chaque situation, il va jusqu'au bout de son projet. Les idées sont treize à la douzaine; nous sommes tous des créatifs…, mais combiner ainsi des idées non seulement bonnes mais même excellentes et les mettre à exécution de manière aussi géniale est particulièrement rare et nous avons la chance d'en profiter.
L'essentiel de son travail s'articule autour de l'idée de la transformation. Ainsi, il imagine des messages qui disparaissent ou se modifient avec le temps; de la photographie, des matériaux, des effets et des films qui parlent de la notion d'éphémère, de transformation et de dissolution. Rien n'est tel qu'il y paraît et demain sera peut-être différent encore. Son travail n'est jamais prévisible. Tandis que l'idée est souvent simple, sa réalisation requiert généralement beaucoup de travail ou alors elle est complexe d'un autre point de vue et rien de tout ceci n'échappe au visiteur. Là où il serait possible de passer de longues heures et de dépenser une forte somme d'argent pour aboutir à un résultat banal, le travail de Stefan ne manque jamais d'enchanter et de surprendre. Son travail a une dimension ludique, joyeuse et belle sur un fond d'intelligence a l'état pur; il nous rend curieux et heureux mais, en fin de compte, il nous convainc. Il est le chef moléculaire du Steakhouse.
Bien qu'il ait flirté avec le monde de l'art, Stefan demeure un designer : ses méninges remuent dès que le client appuie sur la détente mais sa cible et son but sont bien sa vision personnelle. A mon avis, ceci a son importance car ce travail fascinant atteint son public d'une manière qui serait peu probable s'il pratiquait les beaux-arts…


P.167
Stefan est une pop star - Mieke Gerritzen
(…) 
De nos jours, au XXIème siècle, le graphisme ne se limite plus à la conception d'imprimés; il s'est élargi désormais à un domaine en grande partie conceptuel qui lie diverses disciplines entre elles par l'image, via les médias. Tout ce qui nous entoure est en train de devenir média et le média est en train de devenir image.
Aujourd'hui nous communiquons bâtiments, voitures, personnes et choses...